Patron et unique salarié de son entreprise spécialisée dans la rénovation de toits, Abderrahmane Bouhenna parle au nom de tous les petits artisans. La crise due au Covid-19, le quinquagénaire l’a vécue comme un « calvaire ». Si l’activité a repris doucement, il craint pour l’avenir des PME.
Simple déformation professionnelle. Où qu’il passe, Abderrahmane Bouhenna, 59 ans, a le regard capté par les toits. « J’adore mon métier ! », claironne l’artisan couvreur du Ban-Saint-Martin. Lui qui a commencé sa carrière à 18 ans en tant que ramoneur, n’a rien oublié de l’époque où « le travail était rude ». À force de nettoyer cheminées, tuiles et chenaux, l’homme s’est fait une solide réputation dans le métier. Salarié, il est passé par plusieurs patrons jusqu’à devenir son propre chef. C’était il y a trois ans.
Fort d’un bon réseau de clients, pour terminer sa carrière en père peinard, l’ex-chef d’équipe crée sa boîte qu’il baptise Qualitoit. Sans imaginer que 2020 et le Covid-19 lui joueraient un mauvais tour. Avec l’arrêt brutal de son activité. La tuile ! Du jour au lendemain, alors que son carnet de commandes lui promettait du travail pour des semaines entières, l’hyperactif se retrouve à la maison. « Un calvaire ! », souffle-t-il.
« Tous dans la même galère »
« Du fait que je bosse toujours à l’extérieur, sans contact avec personne, je pensais pouvoir honorer mes chantiers. Mais j’ai eu beau tenter de convaincre mes clients, je n’ai essuyé que des refus et des annulations. J’ai vraiment senti à quel point l’épidémie faisait peur », résume Abderrahmane Bouhenna. Il poursuit en pointant un autre problème. Magasins spécialisés fermés, fournisseurs aux abonnés absents, plus possible de trouver la moindre tuile ou le moindre morceau de zinc. « Je ne suis pas le seul, tous mes collègues artisans se sont retrouvés dans la même galère. Quelle que soit la corporation, tout ce qui a été perdu est perdu. ». Lui remercie l’État de lui avoir versé 1 500 euros par mois. De quoi garantir son salaire alors que son chiffre d’affaires tombait à zéro.
Depuis le 11 mai et la levée du confinement, le couvreur a quelque peu retrouvé le sourire. Même si reprise d’activité ne rime pas avec euphorie. « Certains clients sont encore réticents à voir des ouvriers débarquer chez eux. D’autres, voudraient que l’on soit immédiatement disponible ».
« J’ai bien peur que, faute de trésorerie, de nombreuses petites entreprises artisanales disparaissent. Plus que jamais, si on veut les sauver, il faudra les faire travailler », plaide-t-il en s’interrogeant sur l’avenir de l’économie. « Je me demande comment l’État va pouvoir rembourser les milliards d’euros de cette crise sanitaire ».
Article paru sur le RÉPUBLICAIN LORRAIN le 18 juin 2020 à 05:01